Sandera Sekaram, fondateur du premier lieu de culte hindou de Paris
Portrait


En 1975, Sandera Sekaram croyait quitter le Sri Lanka pour quelques mois, quelques années tout au plus, le temps de poursuivre ses études en Europe. Mais c'est l'exil qui l'attendait, une fois les frontières de son pays à jamais refermées derrière lui.

Sandera Sekaram

Sous l'étroit hangar jouxtant le temple de Ganesha qu'il a fondé il y a plus de 20 ans, Sandera Sekaram caresse en les nommant les fleurs de lotus, de manguier, de jasmin et de bétel qui viennent de lui être livrées par centaines. Six tonnes de noix de coco ont également fait le voyage en avion depuis le Sri Lanka jusque dans la modeste arrière-cour de ce qui fut le premier lieu de culte hindou de Paris.

Un temple pour survivre à l'exil
Septembre 2006. La onzième édition du festival de Ganesha, le dieu-enfant éléphant, se prépare : l'occasion pour le fondateur du temple de nous rappeler son histoire : celle d'un homme contraint à l'immigration par le délitement de son pays d'origine. Bientôt rejoint par des vagues de réfugiés politiques, Sandera Sekaram a trouvé un moyen pour survivre à l'exil, au sien comme à celui d'une communauté toute entière : contre le déracinement, la solitude et l'isolement, il a crée un lieu de rassemblement et de partage aujourd'hui mondialement connu : le temple de Ganesha Sri Manicka Vinayakar Alayam.


Dieu Ganesh

Quitter le Sri lanka… et y revenir : un rêve d'enfant
En 1975, quand Sandera Sekaram quitte sa ville natale, Jaffna, pour aller étudier en Europe, le Sri Lanka ne fait pas encore parler de lui. Les tensions entre Tamouls et Cingalais y sont certes tangibles, mais rien ne laisse présager à ce jeune homme de trente ans qu'un conflit éclatera bientôt, qui l'empêchera à jamais de retourner chez lui. “Aller étudier en Europe représentait un rêve d'enfant ! Quand j'ai quitté le Sri Lanka, jamais je n'aurais pensé que les choses tourneraient ainsi.”
Lorsqu'il arrive à Paris, Sandera Sekaram se heurte à deux obstacles : d'une part la langue française lui pose problème, mais surtout il ne trouve aucun lieu où pratiquer le culte du Dieu Ganesh, figure qui fait l'objet d'une dévotion particulière dans toute la famille Sekaram. Aussi décide-t-il de partir en Angleterre dont la langue lui est familière, et plus précisément à Highgate où il rejoint son frère qui y a fait construire un temple hindou. Jusqu'au début des années 1980, il poursuit là-bas des études d'ingénieur.

La France, terre d'installation
Mais c'est en France qu'il choisit de revenir et de s'établir lorsqu'il comprend que les frontières de son pays se sont refermées derrière lui. Nous sommes en 1983, la guerre au Sri Lanka fait rage. Face à ce drame et à l'exil qui en résulte, la mairie de Paris, contre toute attente, donne à Sandera Sekaram les autorisations pour qu'il puisse ouvrir son temple. “Les choses ont beaucoup changé en France. Auparavant, on était très timorés à l'égard de l'hindouisme, par méconnaissance probablement. Dire que maintenant l'hindouisme fait partie des objets d'études de certains chercheurs au CNRS !” sourit Sandera Sekaram.
Les réfugiés affluent dans le Nord de Paris, mal désigné “Little India” car ce sont essentiellement des Sri Lankais qui le peuplent. “Créer ce temple, c'était permettre à ma communauté, déracinée et déchirée, de retrouver quelques uns de ses repères et de se sentir chez elle. Je voulais offrir à ces gens un lieu où prier collectivement, hors de l'autel familial, où se retrouver et où vénérer Ganesha qui est le Dieu le plus populaire de l'hindouisme, le dieu de la bienfaisance.”

Affiche pour la fete de Ganesh

Deux années pour faire naître le temple
En 1983, Sandera Sekaram passe commande au Sri Lanka d'une statue de Ganesha auprès de spécialistes qui sauront façonner le corps du dieu conformément à la tradition, dans un alliage de cinq métaux : or jaune, or blanc, argent, cuivre et laiton. La statue arrive en France en 1984. Le 1er février 1985, le temple peut enfin ouvrir, et la première puja avoir lieu. Ce n'est d'abord qu'un très petit local dans le XIVème arrondissement de Paris, puis un lieu un peu plus grand dans le XIVème, enfin les 60 m2 que l'on connaît au 72 rue Philippe de Girard dans le XVIIème arrondissement.

Un temple pour une communauté plurielle
Aujourd'hui, Sandera Sekaram est connu de toute une communauté hindoue extrêmement vaste et qui s'étend bien au-delà des Sri Lankais réfugiés politiques. Dans le temple de Ganesha, ce sont aussi bien des Indiens de Pondichéry que des Guadeloupéens, des Mauriciens ou des Réunionnais hindous qui viennent prier, ainsi que des Français de métropole qui se reconnaissent dans l'hindouisme et ses pratiques. Et tous éprouvent une profonde reconnaissance à l'égard de Sandera Sekaram, lequel en oublierait presque d'être fier si l'on ne venait lui rappeler qu'il est le fondateur du temple où chaque année, en septembre, le jour de l'anniversaire de Ganesh, plus de 20 000 personnes se retrouvent pour prier et défiler derrière le char portant la statue du Dieu, dans la senteur du camphre enflammé, au rythme des percussionnistes, dans un sillage d'eau de rose et de safran. “Aujourd'hui, je me sens en France comme à la maison !” D'autant plus, peut-être, que l'appartement de Sandera Sekaram se trouve à l'étage du temple qui est l'œuvre de sa vie...

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