Les fêtes religieuses hindoues (utsavas)

par Swami Yogananda Sarasvati

Le Sanâtana-dharma est probablement la religion qui compte le plus grand nombre de fêtes religieuses tant est grand le nombre des manifestations divines en Inde. Ce nombre incalculable de divinités a conduit certaines personnes à qualifier l'hindouisme de polythéisme, alors qu'il s'agit d'une myriade de formes d'un seul et même Ishwara dont la vraie nature transcende toutes les formes.

Parmi ces fêtes religieuses, les plus importantes sont Holi en mars, Râma Navamî en mars/avril, Sri Shankara Jayanti en avril-mai, Guru Pûrnimâ ou Vyâsa Pûrnimâ en juillet, Skanda Shashthî en juillet et/ou décembre, Krishna Janmâshtamî en août, Ganesh Chaturthî en septembre, Navarâtri et Vijaya Dashamî en octobre, Dîpâvalî en novembre, Makara Sankrânti le 14 janvier, Sarasvatî Pûjâ en janvier et Mahâ Shivarâtri en mars.

La plupart de ces fêtes s'accompagnent de vœux ou d'observances comme l'austérité (tapas), les sacrifices (yajña), les offrandes (dâna), le jeûne (upavâsa), le silence (mauna), la prière (japa), etc., autant de pratiques destinées à la purification mentale et à l'élévation spirituelle comme le mot "utsava" l'indique. Dans le sens populaire, "utsava" signifie "fête" ou "réjouissance", mais aucune joie véritable et durable n'est possible sans discipline ni sacrifice ni générosité.

De nos jours, l'idée même de fête est très souvent associée au débridement des sens, à l'ébriété et à toutes sortes d'excès, alors que les fêtes religieuses contribuent au bien-être individuel et collectif, à la santé, à l'élévation spirituelle et à la joie pure. Une fête religieuse est aussi l'occasion d'écouter et d'approfondir les grands récits épiques comme le Râmâyana, le Mahâbhârata ou les Purânas. Cela peut être également l'occasion de recevoir les enseignements très inspirants de la bouche de grands sages et de bénéficier ainsi de leurs bénédictions.

Râma Navamî en mars/avril marque l'anniversaire de la naissance de Sri Râma, le dharma personnifié, le héros du Râmâyana, le protégé de Vishwâmitra et d'Agastya, le Seigneur d'Hanuman, l'époux de Sîtâ, le destructeur du démon Râvana et le roi idéal. En avril/mai Sri Shankara Jayanti célèbre l'avènement du grand sage Adi Shankaracharya (788-820) qui a rétabli la religion védique dans sa pureté première particulièrement au moyen de ses grands commentaires sur le triple fondement védantique représenté par les Upanishads, les Brahmasûtras et la Bhagavad-Gîtâ.

Guru Pûrnimâ est le jour de pleine lune du mois de juillet consacré aux Gurus en général et à Veda Vyâsa en particulier, d'où le nom de Vyâsa Pûrnimâ donné à cette célébration dans le sud de l'Inde. Comme son nom l'indique, Veda Vyâsa est le classificateur des Vedas, celui qui les a répartis en 1180 branches. Par ailleurs, Vyâsa est l'auteur du Mahâbhârata, des dix-huit Purânas et des Brahmasûtras. Il est considéré comme une incarnation partielle de Vishnu et l'un des sept dîrghajîvis, c'est-à-dire un être d'une très grande longévité pouvant se manifester même de nos jours. Ses quatre disciples furent Paila, Vaishampâyana, Jaimini et Sumantu. Pendant les deux mois de mousson qui suivent la pleine lune de juillet les sannyâsis (renonçants) ne pérégrinent pas, mais s'établissent dans un lieu fixe pour étudier et enseigner le Vedânta.

Skanda Shashthî est la fête dédiée au fils du Seigneur Shiva, le chef de l'armée des dieux, lui-même armé d'une lance et monté sur un paon. Skanda a six têtes représentant les pléiades et il est le dieu des brahmacharis. Il est diversement appelé Kârtikeya (le fils des pléiades), Subrahmanya (très favorable aux brahmanes), Kumâra (le célibataire) ou encore Guha (le secret) Muruga en tamoul. Avec Ganesh, Shiva, Shakti, Vishnu et Sûrya, il est l'une des six principales manifestations d'Ishwara.

Janmâshtamî célébré au mois d'août marque la naissance de Sri Krishna, la huitième incarnation de Vishnu, le protecteur des vaches et des saints hommes, le destructeur des forces du mal, le cocher d'Arjuna, l'instructeur de la Gîtâ, le restaurateur du dharma, l'Etre suprême, l'objet de connaissance des Vedas, le divin joueur de flûte, le bien-aimé des bergères, le pont sur l'océan du samsâra, le dispensateur de la libération.

Ganesha Chaturthî observé en septembre est la grande fête du dieu à tête d'éléphant, l'éliminateur des obstacles, le dispensateur de la réussite, le premier dieu à honorer, le mangeur des vingt-et-un gâteaux représentant les cinq organes sensitifs, les cinq organes moteurs, les cinq fonctions vitales, les cinq éléments et le mental. Sa trompe courbée symbolise le monosyllabe « OM ». Sa tête d'éléphant et le rat qui lui sert de monture ou de véhicule indiquent qu'il est présent dans l'infiniment grand et dans l'infiniment petit. Après sa vénération, la représentation de Ganesh en argile est immergée dans l'eau, démontrant ainsi que les noms et les formes retournent ultimement à l'Absolu sans forme et sans aucune dualité.

En octobre vient la grande célébration de la Navarâtri, les neuf soirs dédiés à la Mère divine. Les trois premiers soirs sont consacrés à Durgâ pour l'élimination des mauvaises tendances, les trois soirs suivants à Lakshmî pour le développement de toutes les vertus et les trois derniers soirs à Sarasvatî pour l'atteinte de la connaissance. Le Devî Mâhâtmyam du Mârkandeya Purâna est récité chaque soir de la célébration, ainsi que la litanie des mille noms de Lalitâ. Le dixième jour appelé Vijaya Dashamî est la victoire de la connaissance sur l'ignorance. Le chapitre du couronnement de Sri Râma dans le Râmâyana est alors récité.

En novembre vient Dîpâvalî, la grande fête des lumières associée à Lakshmî déesse de la splendeur et de la richesse tant matérielle que spirituelle. Toutes les rangées de lampes allumées partout le soir sont là pour rappeler à chacun sa propre nature, la Lumière de la Pure Conscience du Soi intérieur qui brille par elle-même et qui fait tout briller, dont tout chose dépend, mais qui ne dépend elle-même d'aucune chose et qui est donc sa propre preuve. C'est la suprême Lumière des lumières.

Makara Sankrânti observé le 14 janvier marque l'entrée du soleil dans le capricorne et par conséquent la remontée du soleil vers le nord (uttarâyana). Les six mois qui suivent cette date sont considérés comme la période la plus favorable pour quitter le corps physique et atteindre la libération par étapes successives (krama-mukti) jusqu'au Brahmaloka, à condition toutefois de rester concentré sur le Saguna Brahman (l'Absolu avec attribut) au moment de la mort. Sur le plan de l'agriculture, on vénère Sûrya le Dieu-Soleil le jour de Makara Sankrânti pour le remercier des abondantes récoltes. C'est un jour de partage entre les possesseurs de terres et les laboureurs. En tant que manifestation d'Ishwara, le Dieu-Soleil apporte la santé et l'évolution spirituelle à ses adorateurs.

Enfin la Mahâ Shivarâtri est en mars la grande nuit consacrée au Seigneur Shiva. La coutume est de jeûner et de veiller toute la nuit en accomplissant une pûjâ toutes les trois heures de 18 h à 6 h du matin, soit quatre pûjâs. Lors de la première pûjâ du lait est versé sur le Shiva Linga, ensuite à 21 h du lait caillé, puis à minuit du beurre clarifié et enfin à 3 h du miel. Chaque ablution (abhisheka) est suivie d'une offrande de feuilles de bilva. Alors que toutes sortes de parures (alankâras) sont offertes à Vishnu et ses incarnations, l'ablution (abhisheka) et les feuilles de bilva sont ce qui est le plus cher au Seigneur Shiva. Ces rites sont accompagnés de récitations védiques dont la plus importante est le Sri Rudram du Yajur Veda. C'est au cœur de cet hymne que se trouve le mantra du Seigneur Shiva. En effet, parmi les trois Vedas le Yajur Veda tient la partie centrale. Dans le Yajur Veda il y a sept sections au centre desquelles, dans la quatrième section, se trouve le Sri Rudram, et c'est au cœur de cet hymne que se trouve le grand mantra de Shiva. Dans l'écrin des cinq syllabes qui le composent les deux syllabes du nom "Shiva" rayonnent comme l'expression de la Pureté absolue. La vigilance requise pour célébrer la Mahâ Shivarâtri élimine le sommeil de l'ignorance. C'est la raison pour laquelle le Seigneur Shiva est appelé le Dispensateur de la connaissance, particulièrement sous sa forme de Dakshinâmûrti.

Le but de toutes ces fêtes religieuses est donc de purifier le mental, de développer la foi et la dévotion envers Ishwara, de suivre les shâstras et d'atteindre ainsi le bien-être et la plus haute réjouissance spirituelle.

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